Aujourd’hui, je voudrais vous parler de surhommes, ou plutôt de surhumains, car je parle également de femmes… Non, rassurez-vous, il ne s’agit pas de moi, j’en suis bien loin.
Je voudrais vous parler des cyclistes professionnels, car, pour moi, ce sont tous des surhumains. Vous en doutez ? Et pourtant : des hommes (ou des femmes) qui grimpent 4 ou 5 cols de suite en pleine canicule, ou qui descendent à plus de 90 km/h sous des trombes d’eau, et qui roulent entre 30 et 35 000 km par an, moi, je les appelle des surhumains.
J’ai toujours été impressionné par ces sportifs hors normes, mais pas à toutes les époques. J’ai admiré Merckx, Poulidor puis Hinault, Fignon, Lemon et quelques autres. Le vélo, à cette époque, était bien différent de maintenant, mais on retrouvait plus ou moins le même calendrier qu’actuellement au fil de la saison. Plusieurs champions ont pu ainsi gagner 2, voire 3 grands Tours au cours d’une même année (France, Italie, Espagne), ce qui n’arrive plus aujourd’hui. J’ai en mémoire des victoires d’anthologie (ah! Hinault sur Liège-Bastogne-Liège en 1980, sous la neige, avec 21 coureurs seulement à l’arrivée ; on l’avait renommée « Neige-Bastogne-Neige »).
Puis il y eut les années noires (ou années EPO : dopage sanguin par injection d’Érythropoïétine, à ne pas confondre avec Eau-Pastis-Olives, régime 100 % naturel très suivi en Provence), marquées par le dopage quasiment généralisé. On compte sur les doigts de la main ceux qui y ont échappé. On peut considérer qu’elles correspondent plus ou moins à la période 1990-2005. Si vous regardez les noms des 20 premiers du Tour de France sur cette période, vous avez de fortes chances de retrouver tous les coureurs impliqués dans des affaires de dopage.
Les courses étaient tristes, en particulier le Tour de France : un gros paquet de coureurs montait les cols, ensemble, sans pouvoir se lâcher, et la victoire finale se faisait sur le contre la montre… Il y avait peu de défaillances et le premier Français se trouvait entre la quinzième ou la vingtième place… J’avais d’ailleurs une habitude : je repérais la place d’un Français qui était réputé pour refuser tout dopage et qui, malgré tout, arrivait à se placer dans les 20 premiers du Tour et à gagner parfois une étape. Il s’agit de David Moncoutié. Je me disais qu’avant Moncoutié, tous étaient dopés, ce qui était sans doute un raccourci un peu facile (il y en avait sûrement après lui aussi, mais ceux-là étaient tous simplement moins bons). J’avoue m’être alors détourné de ce sport que j’aimais tant…
À force d’affaires révélées au grand public, et grâce à des contrôles renforcés et à une prise de conscience d’une partie du peloton et des équipes, le vélo a changé de nouveau. Je n’aurais pas la naïveté de croire que tout est parfait, mais il y a des signes visibles qui sont de bonnes nouvelles. Tout d’abord, on voit de nouveau des défaillances : sur des courses de 3 semaines comme les grands Tours, il est très rare qu’un coureur ne subisse pas un ou plusieurs jours « sans » (certes, le vainqueur final n’en subit pas, mais je vous ai dit que tout n’était pas parfait…).
Les coureurs préparent minutieusement leurs saisons : ceux qui gagnent les premières courses de février marquent ensuite une pause, puis reviennent en juin et en juillet pour la grand-messe du Tour. Ceux qui font les classiques de printemps sont rarement au premier plan dans les grands Tours, d’autres misent sur la fin de saison… Les écarts sont souvent conséquents : je me dis toujours que, lors d’une grande étape de montagnes, il est rassurant de voir les coureurs arriver séparément les uns des autres de plusieurs minutes.
On peut voir de nouveau de belles courses toute l’année, et j’espère que cette embellie ne sera pas qu’un feu de paille…
J’ai parlé d’hommes, mais j’aimerais parler aussi des femmes cyclistes, car il y en a une qui mérite d’être qualifiée de surhumaine : il s’agit de Jeannie Longo ; son palmarès tiendrait sur 10 pages de ce livre et sa domination s’étale sur près de 20années, c’est hallucinant… Quel dommage, d’ailleurs, que les courses féminines ne soient pas plus médiatisées (il y avait un Tour de France féminin à une époque, plus court, mais très intéressant, et il vient d’être remis au calendrier pro féminin en 2022) !
Si vous habitez sur la Côte d’Azur et que vous partez rouler aux alentours de Monaco, vous allez forcément croiser des coureurs pros à l’entraînement. J’en croise à chaque fois dans les cols de la Madone, d’Èze, de Braus, et à chaque fois j’ai droit à un « bonjour » et même, parfois, à des encouragements. C’est le côté humain et simple de ces « surhumains » qui savent que les routes sont les mêmes pour tous et qui vous respectent.
Après cette évocation des surhumains que sont les cyclistes pros, il va être bien difficile de repartir rouler à moins de 25 km/h de moyenne. N’est pas surhumain qui veut…